- TRIBUS D’ISRAËL
- TRIBUS D’ISRAËLTRIBUS D’ISRAËLSelon la tradition biblique, de l’époque mosaïque ou postmosaïque à l’établissement décisif de sa monarchie intégratrice, Israël fut structuré, politiquement et religieusement, comme une confédération de douze tribus; chacune, affirme-t-on, descendait de l’un des douze fils de Jacob (I Rois, XVIII, 31). La tribu (en hébreu: ordinairement shébet , mais matteh dans les textes dits sacerdotaux) était le groupement social le plus courant chez les peuples civilisés de l’Antiquité. Quant à la forme généalogique que cette confédération a dans la Bible, elle relève de la fonction légitimatrice de toute généalogie biblique, qui justifie les liens présents par la description a posteriori d’une origine presque toujours hypothétique pour ne pas dire fictive, voire mythique.Les différentes listes des tribus israélites que l’on rencontre dans la Bible ne concordent pas. Le célèbre cantique de Débora (Jug., V), dont on sait l’ancienneté, n’énumère que dix tribus; quant aux bénédictions de Jacob (Gen., XLIX) et aux bénédictions de Moïse (Deut., XXXIII), elles font toutes les deux état de douze tribus, mais ne les constituent pas de la même façon: les premières ne séparent pas la tribu de Joseph en Éphraïm et Manassé; ce que font les secondes — qui rétablissent l’équilibre en omettant Lévi, à cause probablement du statut sacré de cette tribu sacerdotale —, mais en présentant Éphraïm et Manassé comme des groupes distincts. Ces variations et bien d’autres facteurs ont fait suspecter le caractère historique de ce chiffre douze. En fait, il a une valeur conventionnelle et institutionnelle, autrement dit structurante et politique; comme tel, on le retrouve en dehors d’Israël: par exemple, à propos d’Ismaël (Gen., XXV, 13-16), d’Ésaü ou d’Édom (Gen., XXXVI, 10-14), etc. De plus, un modèle analogue d’organisation de tribus se repère en Asie Mineure, en Grèce et en Italie. En Grèce, on appelait le groupement de douze tribus une «amphictyonie» (du verbe amphiktizô , «habiter autour» — d’un sanctuaire central): chaque tribu, en effet, devait prendre en charge, à son tour, l’entretien complet et le fonctionnement du sanctuaire, lieu central où se nouaient et se confirmaient les liens de l’amphictyonie et où l’ensemble de ses membres venait en pèlerinage à l’occasion de certaines fêtes. Sans se prononcer pour ou contre une influence directe de l’amphictyonie grecque sur la confédération des tribus israélites, il faut cependant conclure à l’historicité du chiffre douze en tant que reflet significatif d’une structure politico-religieuse largement répandue dans le bassin méditerranéen de l’époque.Il est possible que plusieurs points de la Palestine aient servi de lieux de culte respectifs à des groupes ou sous-groupes de tribus israélites: ainsi, les sanctuaires de Bersabée et de Hébron (Gen., XIII, 18; Jos., XXI, 10-11, etc.) aux tribus du Sud; Sichem, Silo et Gilgal (Jos., V, 9-10; I Sam., XI, 14-15, etc.) à celles du Centre; Dan (Jug., XVIII, 30-31) à celles du Nord.Par la suite et bien plus tard, le chiffre douze a manifesté une signification symbolique extrêmement forte. Il renvoie toujours à Israël et à ses tribus, mais cette fois en tant que groupe idéal et futur: «Israël nouveau», que décrivent mythiquement les livres juifs d’apocalypse (l’Apocalypse syriaque de Baruch , par exemple, se termine par une lettre de son héros aux neuf tribus et demie, lointaines et dispersées) et que le christianisme, dans le Nouveau Testament, proclame comme «Église», entité dont toute la «vérité» a son fondement dans l’autorité même des Douze (apôtres). En bref, dans le judaïsme tardif, dans le judéo-christianisme et dans le christianisme lui-même, le chiffre douze attaché aux tribus d’Israël a valeur éminente d’archétype.
Encyclopédie Universelle. 2012.